« Faire culture » ensemble
Le concept de culture « ne saurait se limiter au champ d’action des professionnels de la culture ni aux politiques publiques spécifiques à ce champ », ni aux seules incarnations artistiques, même s’il les englobe évidemment (1). Le terme de « culture » tel qu’entendu ici s’inscrit dans la définition de la Déclaration de Fribourg, et recouvre « les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement » (Déclaration de Fribourg, art.2.a).
C’est donc à un décloisonnement du concept de « culture » qu’invitent les acteurs et actrices de l’ESS investies dans la défense des droits culturels, appelant à un changement de paradigme global et à la nécessité d’échapper à l’enclavement sectoriel des politiques culturelles publiques : plutôt que de faciliter un certain accès à la culture, il s’agit de faire émerger et de rendre visibles toutes les cultures. Ainsi, défendre et promouvoir les droits culturels, c’est en réalité défendre notre capacité à « faire culture » ensemble – y compris d’ailleurs dans le domaine économique, l’économie étant imbriquée dans tout système socio-culturel et n’évoluant jamais de façon isolée et autonome : toute production et répartition des richesses est en effet fondamentalement culturelle et n’obéit jamais à un seul modèle prétendument « naturel » ou universel, quoi qu’en disent celles et ceux qui défendent le dogme capitaliste.
Le cinéma, lui-même produit et producteur de culture(s), donne à voir les incarnations concrètes de ce changement de paradigme initié par les droits culturels et dans lequel la réciprocité et l’horizontalité sont de mise. La culture telle que l’envisagent les films réunis ici s’extrait des dynamiques marchandes classiques et se façonne dans une démarche de co-construction, de réciprocité, de solidarité et de respect des diversités. Suivant une démarche inversée par rapport au modèle dominant, ces démonstrations et mises en pratiques concrètes des droits culturels remettent en cause toute politique culturelle descendante (qui viserait à apporter/offrir de la culture à des personnes qui seraient alors considérées comme dépourvue de culture ou qui subissent la vision péjorative que les autres ont de leurs cultures) et invitent à déconstruire notre vision d’une pseudo « démocratisation de la culture ». Dans ces cas pratiques que les films font défiler devant nos yeux, l’offre seule ne fonctionne pas, il s’agit plutôt de « faire relation » entre les différentes personnes impliquées, chacune étant force de proposition culturelle puisqu’elle-même porteuse et créatrice de culture.
(1) Groupe de travail Culture Communs Solidarités, « Recherche-action : Pour une démarche de progrès autour des droits culturels », 2018
Films dans Tessa
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Damien Delmarre, 2021
En mars 2021, des dizaines de théâtres fermés pour cause de Covid étaient soudainement occupés à travers toute la France. Réclamant d’abord la réouverture des lieux culturels, les occupantes alertaient bientôt sur la réforme de l’assurance chômage. À Limoges, le Théâtre de L’Union est devenu, pendant ces quelques semaines, un lieu de rencontre entre intermittentes et syndicalistes, entre travailleurs sans papiers et étudiantes comédiennes, entre public et militants. Le temps d’un retour à l’Union.
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J’y vis, j’agis. Portraits de femmes engagées au Sanitas
Yvan Pousset, 2020
Entre 2018 et 2020, l’association Pih Poh a réalisé une série documentaire de 5 films courts. Dans le quartier le plus pauvre de Tours, le Sanitas, l’engagement des femmes contribue à une forte dynamique citoyenne. Commencée en 2018, une série de portraits-vidéos fait désormais état de cet engagement. Qu’elles œuvrent à titre bénévole ou en travaillant pour une association, la personnalité de ces quatre habitantes insuffle une énergie favorisant l’échange et la solidarité. Sans prétendre au militantisme, leur investissement montre bien que la chose politique, dans son sens le plus noble, se fait aussi de proche en proche et au jour le jour.
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Agnès Gatelet, 2020
Pour lutter contre l’image actuelle de la femme dans l’espace publique (à 90% blanche, jeune, mince et sans handicap) et représenter la femme dans sa diversité, Agnès Gatelet, réalisatrice chorégraphe, a monté le projet « Appel à femmes ». Un rassemblement performance filmé le 16 février 2020 et projeté un peu partout le 8 mars suivant.
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Agnès Gatelet, 2020
Dans le cadre du projet « Nature and You », une recherche sur la relation de l’humain à la nature, la compagnie « J’irai danser sur vos murs » est allée créer à l’Ehpad de Beauséjour à Nantes. De toi à moi est un documentaire poétique sur ce qui a été vécu avec les résidents.
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Dorine Brun, Sarah Jacquet, 2020
En 2014, une liste citoyenne est élue à mairie de Saillans dans la Drôme. Le film La République de Saillans revient sur six années de démocratie participative. Entre utopie, réalité et désenchantement, la parole est donnée à ceux et celles qui l’ont vécue.
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Fraternelle, histoire(s) d’une Maison du peuple (La)
Bernard Boespflug, 2020
La Maison du peuple de Saint-Claude dans le Haut-Jura a été le théâtre d’une histoire politique unique en son genre, née d’une coopérative alimentaire. Lieu total pour l’émancipation ouvrière, tant économique que sociale, elle est aujourd’hui un centre culturel qui, loin d’avoir oublié son passé, s’en nourrit. Ce reportage traverse des mémoires intimes et collectives et, de surgissements entre passé et présent, fait le portrait de rêveurs réalistes qui ont bâti une société plus égalitaire et qui pourrait inspirer les générations futures.
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Geoffrey Couanon, 2020
D’un côté, la grande ville, la capitale. De l’autre, les champs, les derniers de la plaine de France. Au milieu, la périphérie, la banlieue. Où en est-on de l’image idéalisée de la campagne ancestrale ? Où en est-on de l’image négative des périphéries ? Quel lien avec les terres qui nourrissent nos vies urbaines ? En banlieue parisienne, le regard d’une jeunesse qui questionne son rapport à la terre, à la ville, à la consommation, à la société, à la démocratie. Une jeunesse qui saisit son pouvoir d’agir. Une enquête enthousiasmante au cœur de leur territoire.
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Roberto Della Torre, 2019
Ce documentaire franco-italien s’intéresse à trois biens communs : l’eau, la culture et les espaces urbains. Le point de départ de ce film est le référendum de juin 2011 où 95% des Italiens se sont exprimés pour une gestion publique de l’eau. Pourtant, les gouvernements successifs de ces six dernières années ont bafoué ce référendum et les multinationales prospèrent avec l’appui de l’État à quelques exceptions près : Naples, Torino. Le retour de ce bien commun dans le giron public s’observe également en France où paradoxalement il n’y a pas de grand débat citoyen. Le poids de l’État serait-il moins prégnant dans ce domaine ?
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Marie Frapin, 2019
Une formidable aventure collective pour exister à nouveau se déroule chaque mardi, semaine après semaine, dans l’Atelier théâtre d’Emmaüs animé par Ombeline, comédienne. Nous assistons à la transformation des participants, six, parfois huit, abîmés par la vie.
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Pierre Westelynck, 2019
Nous avons tous envie de contribuer au bien commun et de nous sentir utiles. L’association « On passe à l’acte » est partie à la rencontre de celles et ceux qui ont trouvé leur place dans le monde. Engagés et courageux, ils inventent leur métier et cherchent à construire le monde de demain. Leurs témoignages impactants nous montrent que nous pouvons devenir artistes de nos vies si nous acceptons de nous aligner avec nos plus hautes valeurs.
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À Berlin, la réinvention d’un art de vivre en commun
Axel Lebruman, 2018
Trois exemples, parmi tant, qui démontrent qu’en se regroupant les citoyens résisteront toujours mieux à la pression immobilière qui ronge le vivre-ensemble.
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Marina Galimberti, Maryem Bellal, Sarah Foti, Priscilla Martial, Guy-Annie Rosele, Léa Trevisani, Julie Wautier, 2018
Tournée dans une restaurant d’insertion, ce film nous livre des récits de vie, l’histoire de parcours jalonnés de difficultés. Marmite d’Afrique est bien plus qu’un restaurant d’insertion, c’est une histoire commune de femmes qui ont subi un grand déracinement culturel, économique et social et dont l’espoir a pu renaître.
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Tom Boothe, 2016
En pleine crise économique, dans l’ombre de Wall Street, une institution qui représente une autre tradition étatsunienne est en pleine croissance. C’est la coopérative alimentaire de Park Slope, un supermarché autogéré où 16 000 membres travaillent 3 heures par mois pour avoir le droit d’y acheter les meilleurs produits alimentaires dans la ville de New York à des prix on ne peut moins chers.
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Recettes municipalistes. Une conversation pour prendre soin des villes
Núria Campabadal, Mario Munera, Luca Tello, Guillermo Zapata, 2015
Qu’est-ce qui sous-tend le mouvement municipaliste espagnol ? Qu’ont-ils vécu depuis 15M (indignados)? Comment en sont-ils arrivés au point de tenter de récupérer les institutions ? Quelles sont les expériences vécues tout au long de ces mois par les militants profondément impliqués dans ces partis ? Recettes municipalistes tente de répondre à ces questions (et beaucoup d’autres) au cours d’un déjeuner-discussion et au travers des expériences de Gala Pin (Barcelone en comú), Francisco Jurado (Demo 4.0, OpEuribor), Marta Cruells (Barcelona en comú), Pablo Carmona (Ganemos Madrid ) et Guillermo Zapata (Ahora Madrid).
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Devises citoyennes. Le phénomène des monnaies locales en France *
Jérôme Florenville, 2015
Depuis 2010, aux quatre coins de la France, sont émises des monnaies locales complémentaires, outils pour dynamiser l’économie locale, promouvoir la culture régionale, favoriser le développement durable et retisser du lien social. Une trentaine sont actuellement en circulation sur le territoire, à l’échelle d’une région, d’un département ou d’une ville. Ce documentaire nous plonge au cœur de deux expériences qui font aujourd’hui référence.
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Silvia Munt, 2015
Frappée de plein fouet par la crise économique de 2008, l’Espagne a vu son taux de chômage frôler les 27% en 2012. Des centaines de milliers de personnes se sont alors retrouvées dans l’incapacité de rembourser leur crédit immobilier puis expulsées de leur logement, tout en restant endettées auprès de leur banque. À Barcelone, un collectif citoyen s’est mis en place pour proposer son aide à ces victimes de prêts toxiques… Ce documentaire donne la parole à plusieurs personnes membres de ce collectif qui racontent leur histoire…
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Ronan Kerneur, David Ferret, 2014
En 1967, quelques habitants de la ville de Barquisimeto au Venezuela s’associent pour enterrer dignement leurs morts, la coopérative Cecosesola est née. Malgré les pressions politiques, leur modèle autogestionnaire progresse et se diversifie. Le film illustre l’ingéniosité et la pérennité d’une expérience collective qui a choisi une voie indésirable pour les uns, utopique pour les autres.
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Si T’es Jardin : la branche « jardins partagés » du réseau de Régies de quartiers
Bruno Feindel, 2013
Depuis plus de 10 ans, les Régies développent des jardins solidaires, avec et pour les habitants de leurs quartiers d’intervention. Ces jardins permettent d’aborder différentes thématiques (amélioration du cadre de vie, éducation à l’environnement, santé publique, autoproduction alimentaire), qui sont présentées dans ce film à travers les expériences de quatre Régies.
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Familistère de Guise, une utopie réalisée (Le)
Sophie Bensadoun, 2013
Au XIXe siècle, Jean-Baptiste André Godin, capitaine d’industrie socialiste, veut apporter à ses ouvriers les équivalents de la richesse, produit de leur travail. Il se fait architecte et construit le Familistère, dans l’Aisne, où vivent pendant près d’un siècle 2000 personnes.
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Paroles d’habitants (qui réagissent aux 50 propositions)
Bruno Feindel, 2010
Réalisé à l’occasion des Assises nationales des Régies de quartier et des Régies de territoire à Bron, le 9 novembre 2010, ce reportage interroge les habitants qui y évoquent des thèmes évoqués dans les 50 propositions : le droit de vote pour les étrangers non européens, la santé, la violence, la sécurité…
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Marinaleda, un village en utopie
Sophie Bolze, 2009
Un village d’Andalousie développe la démocratie participative, la mise en coopérative de terres.
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Manifeste des Régies de quartier (Le)
, 1994
Une présentation par leurs différents acteurs du projet des Régies de Quartier, associations qui se veulent un lieu privilégié de rencontres entre les habitants, les acteurs institutionnels et les collectivités locales, un lieu où s’exerce pleinement le droit des populations à décider de ce qui les concerne.
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Alma-Gare à Roubaix (L’). Quand les habitants prennent l’initiative
, 1981
À Roubaix, ville textile, d’anciens quartiers de courées refusent de mourir. Leurs habitants veulent rester sur place, jouir d’un habitat décent tout en maintenant la vie sociale intense qui fait la richesse de ces quartiers ouvriers construits il y a un siècle. À l’Alma-Gare, l’un de ces quartiers, la population lutte depuis 15 ans. Ce film montre comment les habitants s’organisent et les moyens qu’ils mettent en œuvre pour concevoir et imposer, face aux élus et aux différents partenaires sociaux, le plan de restructuration de leur quartier.
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Alma-Gare à Roubaix (L’). Quand les habitants ont des idées, tout peut changer
Hubert Knapp, 1979
Ce reportage retrace l’expérience de participation des habitants à la réhabilitation et la rénovation de leur quartier, l’Alma-Gare à Roubaix.